Que les choses soient claires: je ne suis pas un adepte de la "fumette", ni de cette race de snobinards qui jugent "trop cooooool" de se rouler un joint entre amis. Pour être plus clair encore, je ne nie pas avoir, à l'adolescence -c'est à dire, en ce qui me concerne, à la fin des années 70- avoir tiré sur un pétard, moins par réel plaisir, mais parce que c'était interdit (retenez-bien cette phrase, elle a toute son importance).
Aussi feutré qu'il soit, le débat ne cesse d'alimenter les conversations. Faut-il dépénaliser, voire légaliser la vente et l'usage du cannabis et, accessoirement de sa soeur jumelle, la marijuana, "l'herbe".
Ne nous y trompons pas et apprenons à lire entre les lignes: dépénaliser équivaudrait à dispenser de peine les usagers du "shit". Légaliser reviendrait à accepter la vente de ce produit par des commerçants agréés.
Pour ce qui me concerne, et après avoir, en tant que journaliste à Marseille, jugé des arguments des uns et des autres, je suis -cela va sans doute en décevoir plus d'un-, un farouche partisan de la légalisation.
Pourquoi ? Je vois d'ici affluer vos questions... Et bien tout simplement parce que les arguments avancés par les adversaires de la légalisation sont éculés, et je vais m'efforcer d'y répondre
On nous dit en premier lieu que le cannabis n'est pas ce qui se fait de mieux pour la santé. Soit. Mais il nous faudrait alors en toute logique, preuves scientifiques à l'appui (elles ne manquent pas) commencer par interdire le tabac et l'alcool, éminement plus dangereux que le cannabis. En un mot, il faudrait pro-hi-ber. Et l'on a vu ce que la prohibition a engendré en Amérique au siècle dernier.
On nous rétorque aussi que la légalisation des drogues "douces" (cannabis et marijuana) serait une porte ouverte vers d'autres substances beaucoup plus dangereuses comme l'héroïne ou la cocaïne. Faux ! Dans de nombreux ouvrages scientifiques, il est démontré que le cannabis n'est en aucune façon l'antichambre de l'héroïne.
Ainsi, le réputé sociologue Patrick Peretti-Waatel en est-il arrivé à la conclusion que "si 99% des héroïnomanes ont fumé du cannabis, seuls 1% des fumeurs de joints ont expérimenté l'héroïne".
On vient aussi nous dire que la légalisation du cannabis attirerait de nouveaux toxicomanes. J'ose affirmer le contraire. Ce qui plait, ce qui attire l'adolescent vers les drogues est précisément le fait qu'elles sont interdites. Je n'apprendrai rien à personne en affirmant qu'un interdit perd tout son charme s'il ne l'est plus (interdit).
Il y a ceux, aussi, qui nous bercent avec leurs théories vaseuses selon lesquelles légaliser=inciter. Je voudrais sur ce point me baser sur un phénomène on ne peut plus d'actualité: le mariage des homosexuels. Y aura-t-il parmi vous quelqu'un d'assez benêt pour imaginer que la légitimation des couples homosexuels incitera des hétéros à devenir homos "parce que c'est légal" ?
Du vent. Les arguments éculés des adversaires acharnés de la légalisation ne sont que du vent. J'ai précisé plus haut que j'avais passé la plus grande partie de ma carrière journalistique à Marseille. Cette ville où l'on feint aujourd'hui de s'étonner à chaque fois que l'on relève le cadavre d'un jeune tombé sous les balles d'une arme de guerre.
Ne nous voilons pas la face. La guerre qui décime aujourd'hui les cités des quartiers nord de Marseille est essentiellement dûe à la rivalité qui oppose des bandes de trafiquants de cannabis. Et si une économie parrallèle s'est mise en place à coups de Kalachnikov, le meilleur moyen de l'anéantir est de priver les protagonistes de leur pouvoir de destruction.
Sans compter qu'ainsi, l'argent de la drogue, comme celui de l'alcool ou du tabac actuellement, ira directement dans les caisses de l'Etat, sans passer par la case "banlieues".
Nos politiques sont frileux face à ce débat ? Ouvrons-le à leur place ! Je compte sur chacun d'entre vous pour apporter sa contribution.
Thierry Cayol