On parle souvent dans la presse d'enfants ou de jeunes filles qui disparaissent. Et pour peu que le sujet soit photogénique, il aura droit à son portrait à la Une du JT et de la presse quotidenne. Ses parents, le fiancé et la maîtresse seront traqués par des journalistes parfois peu scrupuleux.
Mais qu'en est-il lorsqu'il s'agit de jeunes garçons, disparus sans laisser de traces après une soirée en discothèque, qui sortent parfois un peu éméchés et dont on ne sait ce qu'il est advenu?
On en parle très peu. ont a souvent évoqué l'affaire des "disparus de Mourmelon", mais seulement après l'arrestation (et le suicide) de l'adjudant Pierre Chanal, violeur et assassin présumé des jeunes appelés. Mais avant, rien. Pas un avis de recherche à la télé, même pas une brève dans la presse nationale.
Ils sont pourtant de plus en plus nombreux, ces jeunes adultes (souvent des étudiants) qui se volatilisent à la sortie des boites de nuit, et dont on ne parle jamais. La douleur de leurs parents, de leurs proches, est pourtant aussi intense que celle de l'entourage des jeunes filles disparues.
Ainsi, mis à part dans certains journaux locaux et régionaux, on se tait sur les fréquentes disparitions de ces jeunes garçons, envolés et dont on reste sans nouvelles.
Ainsi, Antoine Brahy, un ingénieur de 31 ans, a disparu le 1er janvier après une fête à la discothèque Villa Rouge de Montigny-les-Metz. Selon ses amis, il avait beaucoup bu, et est demeuré introuvable lorsque ses amis l'ont cherché pour rentrer, vers 5 heures du matin.
Même scénario ou presque en ce qui concerne Remy Calmejane, 19 ans et Grégoire Rigault, 24 ans, disparus à un jour d'intervalle en décembre dernier après une soirée à la Calypso, une discothèque de Nantes. Les deux jeunes hommes ne se connaissaient apparemment pas, mais les circonstances de leur disparition présentent une troublante coïncidence.
Remy Calmejane, étudiant en sciences et techniques des activités physiques et sportives, était quasiment ivre, selon ses amis, lorsqu'il s'est endormi sur un siège de la discothèque vers 4 heures du matin. Prié de quitter les lieux, Remy n'a plus reparu depuis.
Grégoire Rigault, étudiant à l'Insitut national des techniques économiques et comptables, a disparu le lendemain dans des circonstances analogues. Il convient de souligner que les deux garçons étaient athlétiques, et il les probable que leurs ravisseurs ont mis à profit leur état d'ébriété.
Peu auparavant,le 10 décembre dans le Doubs, Anthony Carteron 21 ans, étudiant à l'IUT de Belfort, avait lui aussi disparu en sortant du Palace, une boite de nuit de Bavans. La police avait envisagé l'hypothèse d'une noyade accidentelle, mais sans aucune certitude.
Dimanche, toujours dans le Doubs, à Montbéliard cette fois, un cadavre a été retrouvé et les enquêteurs pensent qu'il s'agit de celui d'Anthony Carteron, un jeune éducateur disparu depuis le 11 décembre de façon inexpliquée.
Ce même 11 décembre avait été marqué par la disparition à Ivry-sur-Seine de François Thillman, un étudiant luxembourgeois de 28 ans, qui était venu fêter son diplôme à Paris et devait partir pour Berlin où il avait trouvé un emploi.
Mais le jeune homme n'est jamais arrivé en Allemagne. En revanche, un témoin dit l'avoir vu dans la nuit, les lunettes brisées et la tête ensanglantée. C'est la dernière fois que François Thillman a disparu, et ses parents offrent une récompense de 5000 euros à qui pourra les aider à retrouver leur fls.
Les affaires de Bavans, Nantes, Montbéliard, Montigny et Evry n'ont sans doute aucun lien entre elles (bien que Montbeliard et Bavans soient deux localités proches et que deux des disparus n'aient plus donné de leurs nouvelles depuis leur passage dans la même discothèque nantaise).
Il n'en demeure pas moins que ces affaires présentent de troublantes similitudes. Tout comme demeurent inexpliquées les disparitions de Romain Clerc, Eric Zweifel, Samy Heikel et Abelatif Margoum, respectivement à Strasbourg, Hohenheim, et La Seyne-sur-Mer.
Le premier, Romain Clerc, 21 ans, originaire de Belfort a mystérieusement disparu le 28 juin 2010, soit six mois avant les autres. Mais dans son cas, le monde de la nuit ne semble pasêtre en cause et la police n'écarte pas l'hypothèse d'une disparition volontaire. En effet, on a retrouvé dans son studio strabourgeois, qu'il venait de rendre, une lettre destinée à sa mère, dans laquelle il lui demande de nettoyer les lieux. De plus, Romain Clerc a laissé sur place toutes ses affaires personnelles, hormis son téléphone portable avec lequel il s'est servi une dernière fois alors qu'il était près de l'aéroport d'Entzheim.
Son cas demeure donc éloigné de ceux des précédents. Par contre, celui d'Eric Zweifel, 28 ans, qui lui n'était pas étudiant mais employé à Hoerdt,et qui a disparu le 30 décembre après sa journée de travail, présente quelques similitudes avec les autres. Il semble en tout cas qu'il n'avait pas l'intention de fuguer, puisqu'il appelé sa mère pour lui dire qu'il arriverait en début de soirée. Mais Eric Zweiff n'est jamais rentré.
Des similitudes également en ce qui concerne le cas de Samy Haikel, 18 ans. Celui-ci, qui était étudiant en stylisme dans une école de mode londonienne, était venu passer quelques jours en France. Mais il n'est jamais retourné en Grande-Bretagne, il s'est volatilisé le 7 janvier à la sortie d'une discothèque de Strasbourg. Son cas diffère un peu des autres, dans la mesure où les enquêteurs n'écartent pas l'hypothèse d'une mauvaise rencontre dans le milieu homosexuel.
Le 28 décembre à La Seyne-sur-Mer, Abdelatif Margoum, un ouvrier de 21 ans, a lui aussi disparu après avoir quitté à la mi-journée le domicile familial. Il devait prendre un bus pour se rendre à son travail, mais il n'est jamais reparu.
Voilà pour ce qui concerne les affaires les plus récentes, celles dont la presse locale a parlé. Mais les commissariats et les gendarmeries de France sont régulièrement saisis de plaintes concernant la disparition inexpliquée de jeunes garçons.
Que sont-ils devenus ? Le mystère reste entier dans la plupart des cas. La thèse du suicide est toujours avancée, mais celle-ci est généralement écartée. Certains enquêteurs évoquent la piste de la prostitution masculine, mais d'une façon générale, on privilégie plutôt l'hypothèse de l'enlévement, suivi de sévices sexuels et d'assassinats.
Thierry Cayol