Certes, c'est idiot, mais j'y ai subitement pensé tout à l'heure, en me réveillant, sans raison apparente aucune. J'ai réalisé que je ne verrai sans doute pas le XXIIe siècle. Non que j'y soie farouchement opposé, mais tout simplement parce que je serai mort. Comme Gaston Defferre, Bourvil ou Aristote.
La seule chose qui me console un peu, c'est que je ne serai pas le seul. Nicolas Sarkozy, Marine Le Pen, Gaston Fidelito et Brigitte Bardot ne seront plus là eux non plus. Vous vous demandez sans doute qui est Brigitte Bardot. Si vous ne la connaissez pas, dites-vous que c'est mieux ainsi. Vous apprendrez à la connaître lorsqu'elle mourra (bientôt). La télé va nous balancer toute sa filmographie en travers de l'écran. D'ailleurs, j'ai posé mes jours de congé pour la semaine qui suivra sa mort. Pas pour aller à l'enterrement, mais pour fuir le pays et me réfugier chez les Incas.
Il n'en demeure pas moins qu'avec mes cinquante balais aujourd'hui, je n'ai quasiment aucune chance de voir l'an 2100. Pas plus d'ailleurs que la grande majorité de mes contemporains, et même de tous ceux qui naissent à l'heure ou je vous parle.
C'est bien triste. Parce que nous ne vivrons pas l'avancée de la science et de la technologie, déjà bien engagée. Nous ne connaîtrons pas par exemple le biberon prégrogramé, qui se baladera tout seul dans la maison et se fichera à l'heure dite dans la bouche de bébé, tout en lui racontant en musique la vie d'Alain Krivine et de Sagamore Stévenin.
Nous n'aurons pas l'occasion de nous initier à la pintade autocuisinée. L'oiseau, dès son éclosion, se déloppera en 14 minutes, se débarassera lui-même de sa tête et de ses entrailles, s'autocuira et viendra, toujours seul, directement dans l'assiette, préalablement garnie de petits légumes grâce à la touche "leg" du legumiseur Darty.
Nous n'aurons pas eu non plus le temps d'apprendre à utiliser le stylo et les timbres-poste, très répandus depuis la mise au placard des ordinateurs vétustes que nous utilisons encore aujourd'hui.
Même chose concernant le programmateur cérébral des 126.407 chaînes de télé accessibles à tous par la seule force de la pensée. Idem pour le télétransporteur Ikea, capable de vous mettre en présence de quelqu'un simplement en pensant très fort à lui. Plus besoin de voitures, d'avions ou de métro...
Vous vous demandez sans doute ce qu'il adviendra si deux personnes pensent à vous en même temps ? Lego a pensé à tout: nos petits enfants n'auront qu'à programmer la fonction "duplication" de leur cerebrocode et ils pourront être en des millions d'endroits différents au même moment.
Dieu que la vie sera facile... Mais alors, me direz-vous, que feront-elles de leurs journées ces créatures surhumaines du XXIIe siècle ? Et bien, tout simplement, ils joueront, ils feront la fête, ils dormiront et ils se goinfreront, puisque tout sera accessible à tous, gratuitement !
Et puis un jour, ils en auront marre de de jouer, de faire la fête, de dormir et de bouffer. Ils se retrouveront au coin de la cheminée autocarburante à allumage automatisé et se prendront à rêver d'un voyage de 30 siècles dans le temps. A rêver d'un monde où il n'y aura ni guerres, ni haine, ni mensonges, ni riches, ni pauvres. Et, forts de notre expérience, ils forgeront un nouvel avenir, meilleur, pour la planète...
PS: Le problème ne se posera évidemment pas si, comme l'assurent Raël et autres illuminés du cervelet, la fin du monde intervient le 21 décembre 2012. Dans un an jour pour jour ! Outre le fait que cela serait indélicat de la part de Dieu et de sa porte-parole Christine Boutin, je retiens en premier lieu que ça nous priverait de la prochaine coupe du monde de foot. Et ça, c'est vraiment triste...
Joyeux Noël !
Thierry Cayol