Il faut absolument que vous lisiez dans le numéro de "Marianne" de cette semaine l'excellent billet de Guy Konopnicki dans sa très justement nommée rubrique "ça m'énerve" et intitulé pour l'occasion "Pauvre petit".
A l'intention de ceux qui ne pourraient avoir accès à cette enrichissante lecture, je ne puis résister au plaisir de vous en livrer les principaux extraits:
"Sur une double page, le Monde brosse le portrait d'un pauvre gosse à la dérive. Les clichés sont tous au rendez-vous: un père ouvrier algérien, tellement sous-payé qu'il devient trafiquant et abandonne sa famille. Une mère dépassée, l'échec scolaire, les petites bêtises, la prison... (...) Des gosses en difficulté, il y en a dans toutes les cités, et tous ne deviennent pas dealers ou voleurs à l'arraché. Alors assassin..."
"C'est que le gamin dont Emeline Cazi nous conte la triste histoire n'est autre que Mohamed Merah. Fâcheuse coïncidence, le Monde publie ce récit poignant le jour où l'avocate du père de ce tueur vient à Paris déposer une plainte pour meurtre. Aucun des trois soldats abattus n'a eu droit au récit de sa vie d'enfant d'immigré, engagé dans l'armée française. Personne ne raconte la courte existence de chacun des enfants assassinés devant une école juive de Toulouse. Mohamed Merah semble beaucoup plus intéressant que ses victimes. Il s'est fait un nom. Comment se nommaient donc les trois soldats, le professeur et les enfants ? Qui se souvient d'eux ?"
"Voici donc le portrait de l'assassin en victime ! Il se trouvera bien un éditeur que le poignant récit paru dans le Monde mettra en appétit. Une bio de Mohamed Merah, ça peut faire faire un best-seller. Puis un film (...)
"L'ennui, c'est que le Monde nous raconte une histoire tellement banale qu'elle en viendrait à banaliser les crimes de Mohamed Merah (...) La vie de Mohamed Merah ne méritait pas d'être étalée ainsi, appelant la compassion au mépris de la pudeur due aux proches de ses victimes".
Voilà. J'ajouterai un mot à l'adresse des gens de droite qui seraient surpris que je reprenne sur ce blog cet article de mon confrère Konopnicki, que deux journalistes résolument de gauche vous dérangent dans votre conviction établie du clivage Droite=sécurité, Gauche=laxisme et apologie du crime. Vous n'avez pas le monopole de la justice et de la justesse du propos, ni en matière de sécurité publique, ni dans quelque domaine que ce soit. Et j'irai jusqu'à enfoncer le clou en vous rappelant que, lorsque Merah a commis ses ignobles crimes, notre pays avait à sa tête un VRP en Karcher nommé Nicolas Sarkozy.
Thierry Cayol