Le remaniement fait le jeu de Gaudin

Il en rêvait, Sarko l'a fait.

En nommant Gérard Longuet au ministère de la Défense, Sarkozy et Fillon ont laissé vacante au Sénat la place de chef du groupe UMP, rôle dont rêvait Jean-Claude Gaudin, qui n'a jamais caché son rêve: devenir un jour Président de la Chambre haute.

Le maire de Marseille postulait déjà à ce poste lorsque le groupe de la majorité lui avait préféré Gérard Longuet. Mais, patient, Gaudin a attendu son heure. Il est aujourd'hui en mesure de prétendre en septembre prochain à la présidence du Sénat, dont il est déjà vice président.

Gaudin avait récemment décliné l'offre qui lui était faite de rentrer au gouvernement (il avait déjà été ministre de la Ville sous Chirac). En attendant patiemment son tour, Gaudin a mis toutes les chances de son côté. 

Très populaire dans sa ville, Gaudin s'est contenté de soigner son image auprès des Marseillais. Un rôle d'autant plus aisé que l'opposition se résoud à néant dans la seconde ville de France.

Candidant pressenti pour les municipales de 2014, seul le socialiste Jean-Nôël Gurini pouvait prétendre tenir tête à Gaudin. Hors, aujourd'hui, le doute plane sur son intégrité à la présidence du Conseil Général des Bouches-du-Rhône.

Son frère Alexandre étant incarcéré depuis plus de deux mois pour une sombre affaire d'argent sale et d'abus de biens publics, Jean-Noël Guerini est lui-même dans le collimateur de la Justice et son image de "brave type" s'est considérablement pervertie, tant que chez les électeurs de Gauche qu'au sein-mêmedu Parti Socialiste.

La situation fait aujourd'hui l'affaire, à droite comme à gauche, de deux hommes forts de la politique marseillaise. L'ancien secrétaire d'Etat et Premier Adjoint au maire Renaud Muselier peut désormais briguer sans scrupules la mairie de Marseille, même s'il est beaucoup moins populaire et libéral que Gaudin.

Si ce dernier, au terme de son mandat, décidait de ne pas se représenter (et dans l'hypothèse où il serait Président du Sénat), le maire de Marseille offrirait un pont d'or à Muselier qui, de toutes façons, a déjà annoncé sa candidature.

L'autre personnalité indirectement avantagée par la situation actuelle est, à n'en pas douter, l'ex-dauphin de Gaston Defferre, Michel Pezet. En rupture de ban avec le PS local depuis la mort de Defferre (on l'avait alors traité de "parricide"), l'ancien Président du Conseil Régional de PACA, avait pris ses distances avec son parti, mais également avec Marseille, préférant en vain de se positionner dans la très bourgeoise classe politique d'Aix-en-Provence.

Dans l'hypothèse où Muselier se lancerait dans la course à la mairie, et si Gaudin lui apporte un soutien sans faille, le PS serait contraint de céder face à Michel Pezet qui  affiche désormais ouvertement  ses intentions. Le parti, privé de véritable patron local, devrait se résoudre à soutenir la candidature de Pezet.

Lui seul semble en effet de taille à tenir la dragée haute  au tandem Muselier-Gaudin, et ce malgré l'opposition des caciques du PS marseillais. Il est également celui qui (avec Philppe Sanmarco, autre fidèle de Defferre et d'Edmonde Charles-Roux) est à même de voir converger sur son nom toutes les voix, du Centre (voire de la droite libérale) au Parti Communiste, privé de chef depuis la disparition de Guy Hermier.

Mais les choses ne sont pas faites pour autant. L'ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin a appelé de ses voeux un "rajeunissement des cadres" de l'UMP au Sénat. Et à 71 ans, Gaudin n'offre pas spécialement l'image d'un "jeune loup". Son opposition à la politique de Sarkozy pourrait en revanche être pour lui un avantage, surtout si la côte du Président de la République continue sa vertigineuse chûte.

Bref, ce remaniement satisfait tout le monde: Longuet est propulsé à un ministère-clé, Gaudin n'a plus que quelques marches à gravir pour accéder à la présidence du Sénat, Muselier se voit déjà maire de Marseille et Pezet peut prétendre à un recours en grâce à gauche. Les seuls à pâtir de l'évolution de la situation sont ce pauvre Guerini et ses acolytes.

Thierry Cayol