Pour l'excellente chroniqueuse des Inrocks, Nelly Kaprielian, "avec l'affaire DSK, le XXIe siècle a des allures de XIXe". Selon elle, " cette affaire a été le formidable révélateur de faits jusqu'alors enfouis sous des apparences policées, civilisées: lutte des classes et inégalités entre les sexes seraient toujours, plus que jamais d'actualité".
Tout d'abord, selon la journaliste, "il y a eu l'obscénité du mot Ami: les Amis de DSK (...) ont tous volé au secours de leur Ami, révélant ainsi un niveau de connivence que tous se seraient empressés de dénoncer ches Nicolas Sarkozy". Et Nelly Kaprielian poursuit: "on se souviendra longtemps de l'ardeur de certains d'entre eux à minimiser le crime sexuel de leur Ami"
Et la journaliste de citer Jean-François Kahn ( pour qui il n'y a eu que"troussage de domestique") et Jack Lang (qui a retenu de cette affaire qu'il n'y a "pas eu mort d'homme"). "Ce qui fait le plus mal", estime Nelly Kaprielian, "c'est que cela vienne de la gauche, d'une intelligentsia de gauche qui semblait prête à sacrifier un peu vite une petite domestique guinéenne sur l'autel de ses privilèges".
Autre mot "obscène" pour la chroniqueuse des Inrocks, le mot Courage. celui supposé d'Anne Sinclair, "ex célébrité du petit écran mais surtout richissime, qui aura passé vingt ans à avoir le bon goût de tourner la tête dès que les agissements de son mari ne l'arrangeaient pas".
Pour Nelly Kaprielian, "dans le langage masculin, ça rime donc avec courage et dignité: bref, une femme extraordinaire...Et si on s'interrogeait sur ce type d'attitude? Il n'est évidemment pas question de juger ici la vie privée d'Anne Sinclair, sans doute plus complexe que cela, mais d'interroger le préjugé selon lequel une femme trompée qui reste aux côtés de son mari serait un parangon de courage".
Ami, Courage...Il y a dans cette affaire d'autres mots qui dérangent et perturbent. Mais surtout, il y a des mots qui gènent du fait de leur absence. C'est ce que dit Nelly Kaprielian lorsqu'elle souligne que manque à l'appel le mot "nymphomane", un terme "humiliant strictement réservé aux femmes, que la presse aurait aussitôt appliqué à Martine Aubry ou Ségolène Royal si elles avaient eu le même problème".
Mais dans le cas de DSK, un homme, un vrai, un macho, on parle plus volontiers de "séducteur". Ce qui agace au plus haut point Nelly Kaprielian, qui s'indigne que "personne ne précise qu'un homme marié qu séduit est capable de tous les mensonges (oui, je suis marié, mais, au fond, pas vraiment...) pour mettre une fille dans son lit".
"Comment, s'interroge la journaliste, avoir confiance en un homme ainsi rompu à l'art de la manipulation et de l'abus des autres?" Et de conclure: " un homme blanc, puissant, qui aurait agressé une femme de chambre noire; sa femme riche qui finance sa carrière et fermerait les yeux sur ses incartades par ambition; une amicale de puissants qui les soutiennent; c'est ainsi que que s'est racontée l'affaire DSK, bafouant toutes nos certitudes: quand la gauche s'est mise à ressembler à la droite. Et le XXIe siècle au XIXe".
Thierry Cayol