Désabusés, ruinés, empreints d'un sentiment d'insécurité, d'injustice grandissante et de fragilité du pays, les Français vont-ils voter une nouvelle fois pour un candidat du "système" ?
Rien n'est moins sûr au vu des sondages et de la chute prévisible de Nicolas Sarkozy et François Hollande. Sarkozy, qui se voulait le président de la rupture, ne laisse que le souvenir de 35 nouveaux impôts, une insécurité en hausse, une justice de plus en plus aveugle, une explosion de la dette et des mesures opportunistes, voire mégalomaniaques.
A gauche, ou du moins au PS, ce n'est guère plus flamboyant. Déjà échaudés par la déception qui a suivi la victoire de la gauche en 1981, les électeurs de gauche (dont je suis) ont du mal à se reconnaître en François Hollande et, plus généralement, dans un parti socialiste à la dérive.
De fait, le PS n'a rien du parti soudé autour de son candidat. Ces derniers mois, il a surtout fait parler de ses querelles intestines (rapport Montebourg sur Guerini, gifle de Lang à ce même Montebourg...). Il ne présente pas en tout cas l'image d'un parti de gouvernement.
Il va pourtant falloir voter. Mais pour qui ? Deux candidats émergent aujourd'hui, sur lesquels on n'aurait pas parié un centime il y a encore un an: Marine Le Pen et François Bayrou.
La candidate du Front National ratisse bien plus large que ne le croient les tenants de la droite comme de la gauche. Elle sait désormais pouvoir compter sur, outre son électorat de base aux idées fascistes voire nazies, une confortable assise dans le monde ouvrier et les classes moyennes. Car si l'idéologie du FN reste la même (xénophobie, nationalisme, antisémitisme...), l'enrobage a changé depuis l'arrivée de Marine Le Pen à la tête du parti d'extrème-droite. le FN apparaît à tort à beaucoup comme "moins dangereux".
François Bayrou semble, lui, dans une position idéale pour recueillir les voix des déçus, de droite comme de gauche. Et le trublion de la politique française s'y prend de façon ingénue, comme lorsqu'il dit préférer "produire français" plutôt que"acheter français".
L'avantage de Bayrou réside aussi dans le fait que ni lui ni ses proches ne trimballent de "casseroles". Il apparaît ainsi de plus en plus comme le "Monsieur propre" de la politique française et met toutes les chances de son côté pour attirer un électorat dégoûté par l'éternel débat populiste entre gauche socialiste et droite libérale.
Alors, inimaginable il y a cinq ans, la présence au second tour de la candidate du Front National et de celui du Modem paraît aujourd'hui tout à fait envisageable.
Thierry Cayol