Le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye rendra le 15 avril son verdict contre trois généraux croates jugés pour crimes de guerre: Ante Gotovina, Ivan Cermak et Mladen Marcak.
Déjà, le mouvement "stop à la chasse aux combattants croates" a mobilisé ses troupes, qui resteront pendues aux lèvres des magistrats du TPIY. Il faut dire que les trois accusés sont considérés comme des "héros" en Croatie, et l'Alliance Démocratique Croate (HDZ), au pouvoir mais en chute libre, aura sans doute bien du mal à canaliser la colère de la population.
Face à la fureur qu'engendrerait inévitablement la condamnation à de lourdes peines des généraux, il est aisé d'imaginer que la foule cherchera un exutoire, comme souvent en pareil cas. Il semble même que ce procès pourrait marquer le signal de l'instauration de l'état d'urgence que redoute le président Josipovic.
La révolte (spontanée ou organisée) des anciens combattants croates semble alors inévitable et il est bien hasardeux de prédire ce qu'il adviendra de la faible implantation du HDZ et si le parti pourra survivre à la condamnation de "héros de la patrie" avec l'aval du pouvoir croate.
Le problème qui se pose aujourd'hui aux dirigeants croates est de taille: En 2005, l'arrestation de Gotovina avait ouvert à la Croatie les portes de l'Union Européenne. Sa condamnation risque d'avoir l'effet inverse
Actuellement, le HDZ contrôle l'armée, la police et les services secrets, mais aussi une bonne partie de la Droite et la majorité des associations d'anciens combattants. Mais le jugement de La Haye pourrait tout remettre en question.
Dans le cas peu probable ou les juges internationaux relaxeraient les généraux, beaucoup de croates vont bien sûr se réjouir, et en premier lieu le Premier Ministre Jadranda Kosor, qui a déjà fait savoir qu'il recevrait Gotovina dès le lendemain du verdict.
C'est que le HDZ est plus que gêné aux entournures: Il a tout fait pour l'arrestation de Gotovina, a fait décoller les affiches favorables au général, traqué ses protecteurs mais a en contrepartie juré de l'innocence de Gotovina. Une relaxe serait un atout maître pour le HDZ, une condamnation serait le signal d'une rupture avec la Droite nationaliste et la fin annoncée du parti au pouvoir.
Des trois généraux accusés, Ante Gotovina, le plus populaire, est aussi celui qui présente la personnalité la plus complexe. Né en 1955 à Pasman, il a commencé sa carrière militaire en France, dans les rangs de la Légion Etrangère. Libéré en 1978, il a ensuite frayé avec le SAC et le Front National et s'est illustré en commettant un casse dans une bijouterie de la place Vendôme, à Paris.
De retour en Croatie en 1991, Gotovina s'est engagé dans la Garde Nationale, dont il a rapidement franchi les échelons: commandant de la 1e brigade, commandant en second des unités spéciales de l'armée, il est devenu général de brigade en 1992, puis , en 1994, général de division et, un an plus tard, général de corps d'armée
Gotovina a également été commandant du district militaire de Split et a, à ce titre , joué un rôle majeur dans l'opération "Oluja, visant à la reconquête de la Krajina.
En 2001, il a été mis en accusation par le TPIY pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Il est entre autres poursuivi pour avoir ordonné les meurtres de 150 civils serbes. Il est aussi accusé de pillage et de destruction d'habitations, afin d'interdire le retour chez eux des Serbes.
Thierry Cayol