Alors que tout le monde ou presque s'accorde sur la nécessité d'une réelle identité régionale et où l'on parle régulièrement de la remise en cause du centralisme en France, le gouvernement a rejeté mardi dernier, et pour la énième fois, un projet de loi sur les langues régionales.
Basques, Occitans, Bretons, ou encore Corses et Catalans n'ont qu'à bien se tenir: ils doivent parler le français, et exclusivement le français. Pour se plier à cette attitude rétrograde et quasi-anticonstitutionnelle du pouvoir parisien, la justice a pris récemment des décisions aberrantes.
Ainsi le tribunal administratif de Montpellier a-til condamné une commune de l'Hérault à retirer ses panneaux d'entrée et de sortie bilingues. Vous m'expliquerez qui cela gène que les panneaux indicateurs soient écrits dans une langue régionale, d'autant qu'ils le sont aussi en français.
Dans le même esprit de censure du régionalisme, la Cour administrative d'Appel de Nancy a-t-elle jugé qu'il n'y a "pas de droit spécifique aux langues régionales".
Pourtant, l'introduction des langues régionales dans la Constitution en juillet 2008 laissait-elle espérer un véritable statut de celles-ci. Dans son article 75-1, la Constitution reconnait que "les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France".
Mais cet aricle constitutionnel, qui ne peut être remis en cause à moins d'une nouvelle modification de la Constitution, n'est pas du goût des ministres de l'Education et de la Culture, Luc Chatel et Frédéric Mitterrand, tous deux membres éminents de la "jet-set", où il est de bon ton de ne s'exprimer qu'en "franglais", au risque, sinon, de passer pour un plouc franchouillard.
Pour le député socialiste Armand Jung, qui a présenté un projet de loi émanant du groupe d'étude des langues régionales de l'Assemblée Nationale, texte soutenu par une soixantaine de parlementaires de tout bord, "le gouvernement brandit le principe d'unicité du peuple français,(...) l'introduction des langues régionales dans la Constitution n'est qu'un leurre, voire une tromperie", qui n'esquisse pas de véritable statut juridique des langues régionales.
Mais selon Luc Chatel, "notre loi fondamentale interdit de reconnaître des droits spécifiques à certaines catégories de citoyens, qui plus est sur des territoires déterminés". D'ici à imposer aux ressortissants français de l'étranger de ne s'exprimer que dans leur langue maternelle, il n'y a qu'un pas.
Les propos du ministre de l'Education dénotent l'obscurantisme de nos gouvernants face au renouveau culturel. Ceci au moment même où, réunis à Québec mercredi et jeudi, les 300 délégués de l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF), qui représentaient 30 pays, ont affirmé leur soutien à la Conférence Interparlementaire sur la Diversité des Expressions Culturelles (CIDEC)
L'APF a également demandé à l'UNESCO de "promouvoir activement l'adoption de politiques et de programmes de soutien aux expressions culturelles" et de "tout mettre en oeuvre afin que la diversité des expressions culturelles demeure une priorité des chefs d'Etat et de gouvernement" de l'espace francophone.
Une fois encore dans ce domaine, la France est à la traîne et ne comptons pas sur nos ministres pour répondre aux attentes de l'APF, de la CIDEC ou des régionalistes. Bien au contraire, on semble aller vers davantage de centralisme. Demain, peut-être, interdira-ton les drapeaux et blasons régionaux au fronton des mairies et sur les plaques d'immatriculation.
Pourquoi, tant quà faire, ne pas supprimer les régions administratives et prohiber l'apprentissage à l'école de toute autre langue que le français. Frédéric Mitterrand, proche d'une droite nationaliste fondamentalement opposée à l'intrusion de toute diversité culturelle, n'a pas retiré grand chose des valeurs défendues par son tonton François, qui avait fait de la reconnaissance de l'identité régionale un de ses chevaux de bataille.
Avec Fredo à la culture, ce n'est pas demain que s'ouvrira le placard dans lequel sont confinées les langues régionales. Devrons-nous bientôt nous cacher pour apprendre et parler une autre langue que le français ? C'est à redouter.
Adiéu sas et pace e salute
Thierry Cayol, dangereux octitanniste