Il est bien loin le temps où "aller acheter la baguette et le journal" faisait partie du rituel matinal des Français. La baguette a survécu, mais la presse écrite a, c'est le moins qu'on puisse dire, pris du plomb dans l'aile.
Le XXe siècle, l'évolution des techniques, la formation de groupes de presse, ont largement contribué à une crise que l'on était loin d'imaginer au XIXe siècle. A cette époque, lire un journal était un luxe, en posséder un était la chasse gardée des riches bourgeois ou, à l'inverse, de groupuscules antisémites, socialistes ou anarchistes.
Qui ne se souvient de la Gazette (doyenne de la presse française) du "J'accuse" d'Emile Zola, publié à la Une de l'Aurore au moment de l'affaire Dreyfus. Qui a oublié le très antisémite Je suis partout ou ces journaux si actifs durant la seconde guerre mondiale qu'étaient Combat, le Petit journal, Paris-soir, Excelsior, Signal,le Journal, A la Roulante, Barbelé, l'Action française, le Réveil du Nord , le Jour-l'Echo de Paris ou encore le Soir, Paris-Midi, la République du Sud'est, Paris Centre et la Victoire.
Comment ne pas être nostalgique à l'évocation de titres comme les Dernières nouvelles de Paris, le Nouvelliste, l'Univers, la France de Bordeaux et du Sud-Ouest, le Figaro,le Petit Provençal, la France au travail, la Semaine ou encore France, le Cri du peuple, l'Oeuvre, Pantagruel et le Petit Dauphinois.
Qui n'a en mémoire ou du moins entendu parler du Trait d'Union, de Lyon Républicain, d'Aujourd'hui,de l'hebdomadaire "people" Vedettes, du Petit Parisien, du Journal de Roubaix, du Nouveau Journal, du Réveil du Nord, de l'Echo de Nancy, du Gaulois, de la France Socialiste, du Midi Socialiste, du Bourguignon, de l'Idiot international (le journal d'Edern-Hallier) et de dizaines d'autres titres, dont la plupart n'existent plus aujourd'hui disparu.
Nombre de titres de la presse nationale ont disparu après la guerre ou dans les années qui ont suivi. C'est le cas de l'Action française,de l'Aube, d'Aujourd'hui, de la première version de l'Auore, de l'Auto, de la République française, d'Excelsior, du Peit Journal, du Petit Parisien, du Journal des débats, de Paris-Soir, de l'Intrangisant, de l'Echo de Paris, de la Dépèche de la France, du Matin (dans sa première version), du Mot d'ordre,.
A ce jour, seule une petite dizaine de titres se partagent la presse nationale: la Croix, le Figaro, France-Soir, l'Humanité et la Tribune , Libération, le Monde, l'Equipe, et les Echos.
Entre temps, plusieurs journaux ont vu le jour et ont connu des fortunes diverses. citons le cas de l'Aurore (1944-1985), de Combat socialiste (qui n'a pas tenu une année), du Quotidien de Paris (créé en 1974 et devenu Aujourd'hui en 1996)), du Sport du Sud-ouest (1987-1988), ou encore du Matin de Paris (1974-1986) et de J'informe (qui n'a vécu que d'avril à décembre 1977).
La presse hebdomadaire semble se porter mieux . Hormis la presse spécialisée, neuf journaux et magazines se partagent le lectorat: Courrier International, l'Express, Charlie-Hebdo, le Nouvel Oservateur, Marianne, Le Canard enchainé, Politis, le Point et Valeurs actuelles
On est pourtant loin,très, loin, de cette époque où le journal écrit était quasiment indispensable pour qui voulait être informé. Et le bilan n'est guère plus glorieux s'agissant de la Presse Quotidienne Régionale (PQR à bout de souffle et en voie de disparition).
Rares sont les coins de france où subsiste plus d'un quotidien. Pour l'avoir vécue de l'intérieur, je puis témoigner que je connais la presse marseillaise. Il y a vingt ans encore, Marseille et sa région comptaient quatre quotidiens: le Provençal (socialiste, le Méridional (de droite), la Marseillaise (communiste) et une édition vespérale du Provençal, le Soir.
Aujourd'hui, le Soir a disparu, le Provençal et le Méridional ont fusionné pour donner naissance à la Provence. Seule, donc, la Marseillaise a survécu.
Qui est responsable de cette désaffection pour la presse écrite? Les patrons de presse, sans doute, qui privilégient le rendement à la qualité. Mails ne sont pas les seuls. Les avancées tecnologiques ont sérieusement écorné l'engouement pour le journal écrit. Il y a d'abord eu la radio, puis la télévision, dont les infos et flashes suffisaient à l'information des Français.
Aujourd'hui, les "gratuits" et Internet parachèvent la débacle annoncée de la presse écrite. Plus besoin de payer (environ) un euro alors qu'un simple clic suffit.
Pour un journaliste de la Provence, "heureusement qu'il y a encore l'info locale, les avis de décès et les pages consacrées à l'OM. Sans cela, nous n'aurions plus qu'à mettre la clé sous la porte "
Thierry Cayol